Un plan pour le mal-être des jeunes ...

 

                  Le Président de la République François Hollande a participé au lancement du plan "Bien-être et santé des jeunes" mardi 29 novembre 2016 en présence de Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, de Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé, de Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes et de Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports.


                 À cette occasion, le Président de la République s'est fait remettre solennellement ce rapport sur le bien-être et la santé des jeunes, par Marie-Rose Moro, professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, et Jean-Louis Brison, inspecteur d’académie - inspecteur pédagogique régional qui l'ont réalisé.


                La lecture de ce plan selon lequel notamment les jeunes ressentant un mal être pourront s'adresser à un psychologue clinicien (1) pour 10 séances gratuites, assorties de deux séances avec leurs parents, m'a inspiré deux réflexions à propos de l’accès gratuit aux psychologues prévus, publiées sur Facebook que je vous livre ici.


                Pour la petite histoire, cette publication, m'a valu l'excommunication de la liste des abonnés Facebook de Marie Rose Moro, dont je faisais partie ...Comme quoi l'appartenance à la cour, même de nos jours, est soumise à l'obligation de continuer de plaire...et d'approuver.

 


Le premier:

              Dommage! Ce plan remboursant la consultation  de psychologues cliniciens aux jeunes en situation de mal être était juste et généreux au départ. Mais il a été gauchi! Vous avez dû, sans doute, céder au passage à des conflits d'intérêt et des pressions syndicalo-corporatistes médicales bassement intéressées.

 

              L’accès remboursé libre et direct de ces jeunes aux consultations psychologiques a été détourné, avec leur demande, vers l'obligation pourtant non fixée par la loi, d'une prescription médicale préalable. Comme si la psychologie, celle des psychologues j'entends, celle qui s'enseigne comme science humaine et non pas médicale en fac de psychologie, était par là même, par cette OPA, médicalisée. Et comme si le psychologue, déqualifié et déresponsabilisé, était privé des compétences autonomes en matière d'analyse, de diagnostic et de traitements proprement psychologiques, malgré sa haute formation en psychologie et son titre professionnel réservé par la loi....pour être déplacé ainsi en douce en position de vassal du médecin. Penserait-on curieusement le médecin plus compétent en psychologie que le psychologue dont c'est pourtant la spécialité?

 

             Et du coup, par ce surprenant détournement, la valeur du travail psychothérapique en est symboliquement diminuée pour le patient qui l'effectue, par rapport à ce qu'il aurait pu faire avec un médecin. ...  Dans son intérêt?  Bravo!

 

             Le coup de force de cette annexion nouvelle de la psychologie clinique en tant que domaine professionnel, par sa subordination médicale, sous couvert de la mesure généreuse novatrice de ce "plan", outre qu'elle n'est pas déterminée par la loi, génère des effets symboliques pervers dommageables sur la valeur et le sens de la relation psychologique à effets de soin psycho-thérapeutique, en la détournant et en la dévalorisant.

 

            C'est dommage et pour le moins inutilement dommageable!


            Une inégalité par l'argent est ainsi renforcée comme effet pervers d'une visée pourtant, je n'en doute pas, novatrice et généreuse.

            Une consultation payante libre et directe du psychologue d'un côté pour les plus riches.

Une consultation remboursée, mais ni libre ni directe, car soumise au détour d'une autorisation médicale, pour les plus pauvres, d'un autre côté....

 

 


Le second:
           Accès gratuit au psychologue pour lutter contre le mal-être psychologique des ados? Oui, certes vœux pieux mais mesure en trompe l’œil d'un accès pas libre, puisque détourné illégalement et injustement sous la subordination cavalière d'une prescription médicale d'ordre psychiatrique...qui l'autoriserait.

          Cette mesure a un effet pervers : celui d'induire le sens qu'un psychologue infantilisé et déqualifié ne pourrait s'autoriser de lui-même et de son titre, mais d'un médecin.... Que penserait-on de la réciproque? C'est proprement inacceptable!

           Dans cette surprenante logique de vassalisation des professionnels et de leur domaine, les demandes des jeunes vis à vis des futurs psychologues du corps des psychologues de l'éducation nationale seront-elles, elles aussi, soumises à l'autorisation d'une prescription "pédagogique"(Profs, Équipe, I.E.N.)  ou "médicale" (médecin scolaire) ou seront-elles dès lors, encore, à la fois gratuites ET d'accès libre et direct? 

           Pour l'heure en ville, deux poids, deux mesures demeurent selon la richesse. L'accès gratuit n'est ni libre, ni direct pour les pauvres.  L'accès libre et direct auprès du psychologue/psychanalyste de son choix reste payant pour les riches!


           Effet du pouvoir de l'argent et effet de l'argent du pouvoir quand  tu nous tiens .... !

 

          Deux positions en découlent pour les psychologues aussi. 


          - Rester libres et indépendants en boycottant cette mesure d'un côté.
          - Se soumettre, accepter de se paramédicaliser ( ne serait-ce que symboliquement et avec effets pervers sur le travail psychologique ) et y souscrire à titre de "servitude volontaire" d'un autre côté..

          C'est féodal, inégalitaire et ... "dégueulasse"! La liberté, comme toujours, a son prix.

          La Boétie disait "Soyez résolus à ne pas vous soumettre et vous serez libres".

          Que vont faire les consultants jeunes et familles pris à ce piège, ainsi que les psychologues cliniciens et leurs organisations?   Cette histoire de subordination des consultations privées ne manque pas de m'évoquer jadis mon rapport à une mutuelle privée qui voulait me recruter (2)...Je vous y renvoie si votre désir de savoir vous pousse jusque là. 
                                                                                                                                     Michel Berlin

 

 


1- http://www.journaldesfemmes.com/maman/ado/1715706-plan-bien-etre-sante-jeunes/
2 -http://michelberlin13.jimdo.com/ecrits-psychologiques/a-dexia-sofatis/

 

 

Dernière minute :

Une dérive évitée de justesse par l'Assemblée nationale par rapport aux recommandations partisanes et corporatistes  initiales de ce plan : les consultations psychologique privées et remboursées ne seront pas symboliquement paramédicalisées.

 

En effet le 6 décembre 2016, soit 3 jours seulement après mon billet d'alerte sur Facebook, l'Assemblée Nationale a adopté le principe d'un remboursement expérimental et territorialement limité de consultations psychologiques privées pour les jeunes.

 

Article 68 40
 
I. – Des expérimentations peuvent être menées, à partir du 1er janvier 2017 et pour une durée n’excédant pas quatre ans, afin d’améliorer la prise en charge et le suivi de jeunes de six à vingt et un ans chez lesquels un médecin, notamment médecin généraliste, médecin scolaire, pédiatre ou psychologue scolaire, a évalué une souffrance psychique.

Dans le cadre de ces expérimentations, les médecins ou psychologues scolaires peuvent, après évaluation, orienter vers des consultations de psychologues libéraux, en fonction des besoins et de la situation du jeune et de sa famille.

Ces consultations sont réalisées par les psychologues libéraux figurant sur la liste mentionnée à l’avant-dernier alinéa du I de l’article 44 de la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre social et donnent lieu à un financement forfaitaire sur les crédits du fonds d’intervention régional mentionné à l’article L. 1435-8 du code de la santé publique.

Les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale arrêtent la liste des territoires retenus pour les expérimentations.

 

 

-------------------------------------------

Remarque :

                 L'introduction subtile par le législateur d'un psychologue de l'éducation nationale (pour l'heure encore dit "scolaire" en attendant la création prochaine du futur nouveau corps) dans la liste des indicateurs-prescripteurs, évite de placer à tort la consultation psychologique comme une activité d'auxiliaire médical et la psychologie comme une sous-discipline de la médecine. Et donc est ainsi aussi évité un recours en Conseil d’État, par exemple au moyen que la subordination créée n'est pas légale, ne serait qu'en vertu de l’Arrêt Dornier de la CDJE 45/01 du 6 novembre 2003. Celui-ci, de valeur supérieure aux législations existantes en matière de santé dans chaque état de la communauté, dont la France, affirme que les consultations et activités psychothérapiques des psychologues ressortissent bien à une activité de santé en ce qu'elles sont à effet de soin, mais sans pour autant devoir être subordonnées à la prescription d'un médecin, ni être regardées comme exercice illégal de la médecine ou activité d'un auxiliaire médical.

 

                  Donc, dans l'article adopté par notre assemblée nationale le 6 décembre dernier, les médecins ne sont pas écartés, mais les psychologues, mis légitimement au moins à parité diagnostique en matière de ... psychologie comme le fait la loi réservant l'usage professionnel du titre de psychothérapeute et l'arrêt Dornier précité, ne sont pas professionnellement déresponsabilisés de l'usage réservé de leur titre dans leur domaine de compétences spécialisées et d'exercice. Car la psychopathologie clinique, c'est encore de la psychologie et non pas de la médecine. La psychologie clinique n'est pas une psychologie de la santé comme on le croit parfois pour la sortir de son champ et se l'approprier....


                  Mais, reste logiquement pour nos parlementaires et les institutions, à accepter de lever un reste déplacé d'emprise névrotique et de méfiance de l'extérieur, pour permettre enfin que cet accès des familles et des jeunes à des psychologues libéraux dûment titrés et offrant donc en cela une garantie d’État déjà existante, devienne enfin un accès direct et libre de droit, comme c'est encore heureusement le cas pour les consultations de médecine libérale ...

 

 

Autre remarque de 2017

                  Aux dernières nouvelles il paraîtrait que l'application administrative tend à gauchir ce qu'avait évité la loi : savoir la non subordination symbolique du psychologue et de ses actes professionnels au pouvoir prescriptif médical, puisque, selon le SNP, dans le Décret d'application  de la loi seul l'adressage médical serait exigé et pris en compte...les psychologues de l'éducation nationale que la loi avait mentionné ayant été mystérieusement éliminés. Ainsi le sens de la loi, et donc de la volonté populaire en sont-ils gauchis....Qui est à la manœuvre derrière cet abus de pouvoir qui pose un monopole médical et qui paramédicalise l'aide et le soin psychologique?

 

 

 


Écrire commentaire

Commentaires: 0