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Tentatives historiques réitérées de paramédicalisation du psychologue. Pourquoi?

 

Tentatives historiques réitérées de  paramédicalisation du psychologue...

Pourquoi ? 

 

 

 C'était au cours de l'année 2000.

 

                 A mon cabinet de psychologue clinicien - psychanalyste en Avignon, j'avais reçu une proposition de collaboration au programme REPERE de réinsertion professionnelle de chômeurs adressés par une société d'assurance.

 

                     Une intervention d'entretiens psychologiques cliniques pour remettre subjectivement en selle des personnes mentalement usées, voire "cassées" dans leur élan vital et leur sentiment de valeur intérieure par les effets destructeurs d'un long chômage, aurait pu en effet trouver son utilité.

 

                Dommage que cette collaboration psychologique n’ait pas été mise en place comme telle dans son approche, ses objectifs et ses effets singuliers, sans être faussée par une vision médicale subordonnante avec conséquences inacceptables  sur le "cadre" de sa mise en œuvre et l'opérativité de ses effets psychologiques. 

 

                     Voici donc ce qu'à l'époque il me vint de devoir répondre au "médecin conseil" qui m'avait adressé cette proposition.

 

             La question posée en fin de lettre garde toute sa pertinence et son actualité dans le cadre du sens, paramédicalisant , des modalités, plus que jamais actuelles et toujours aussi inacceptables, du "remboursement" par la CPAM d'un saupoudrage, tape-à-l'œil mais sans aucune pertinence clinique, de huit consultations psychologiques.

 

                     Ce que l'on peut noter comme élément d'analyse, c'est que la psychologie comme discipline autonome dans son exercice et ses effets conjugués d'évolution mentale et de soin, n'est toujours pas vraiment institutionnellement reconnue et marquée dans sa singularité et son indépendance. Les mesures la concernant, et concernant les psychologues qui l’exercent sous ce titre, sont pour l'heure toujours prises à partir de la vision asservissante "collaboratrice" d'une autre profession dans le cadre institutionnel d'une inclusion qui subordonne l'originalité singulière de son objectif à celui de son domaine d'inclusion : par exemple judiciaire, médical, éducatif, social, bureaucratique ou managérial. Ainsi une logique égocentrée d'appropriation "maison" sert de prétexte à l'instauration de diverses sous-psychologies et psychologues "maisons" dès lors mieux domesticables. C'est bien pourquoi, l'éducation nationale pour des diplômes propres au champ éducatif qui ont carrément éliminé le signifiant professionnel "psychologue" de leur intitulé  au profit de l'éducatif et de son "champ" érigé en territoire de pouvoir (éducatif off course) et peut-être maintenant le champ de la Santé (2) prétendent devoir imposer une formation supplémentaire "maison" à leurs psychologues (soluble dans ce champ et sa mentalité territoriale dominante ad hoc), tout en continuant de leur refuser la formation doctorale de haut niveau professionnalisé avec clinicat de plusieurs années que ces derniers revendiquent avec l'instauration d'une hiérarchie propre aux différents échelons des pouvoirs institutionnels qui marquerait, soutiendrait et renforcerait leur indépendance professionnelle.

 

                   De ce fait, donc la profession de psychologue, n'est donc pour l'heure toujours appréhendée, administrée et « dirigée » que par d'autres, non-psychologues,  dans le cadre d'une subordination explicite ou implicite déniant la plupart du temps le respect opérant de sa singularité et de la nécessaire indépendance de sa mise en œuvre réellement efficace. Car en l'absence voulue et maintenue de hiérarchie psychologique propre à tous les niveaux de pouvoir, son administration est aux mains des non-psychologues dirigeants qui tendent, bien trop souvent encore, à déposséder les psychologues de leurs responsabilités professionnelles et de l'utilité de leur savoir-être pour les vouloir, ainsi neutralisés, à leur image et à leurs bottes, au gabarit de la raideur de leurs symptômes de maitrise.

 

              A quoi bon alors des psychologues, la plupart du temps longuement formés personnellement à la psychothérapie ou la psychanalyse, en sus de leur formation initiale à bac plus 5 en psychologie si, outre que ces formations supplémentaires nécessaires ne sont pas prises en compte dans le classement indiciaire et hiérarchique de leur profession, l’opérativité et l’efficience de leur pratique et de leur savoir-être doit se réduire comme peau de chagrin au lit de Procuste de la symptomatologie de maîtrise névrotique de tous ceux qui se sentiraient ainsi  fondés par les dispositions existantes inadaptées à vouloir les faire marcher à leur pas de non-psychologues ?

 

                 Ca commence et continue à bien faire, comme on dit, non? Les psychologues, certes délicieusement "balkanisés" mais  peut-être pas jouissivement masochistes à ce point de servitude stérilisante (1) ont des raisons d'être excédés.  Vont-ils enfin s'unir et condescendre à perdre les reliques narcissiques de leurs petites différences pour institutionnaliser leur union dans une instance unitaire puissante et pour réagir massivement en conséquence ?



 

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Madame,

 

               J’ai bien reçu votre proposition de collaboration au programme REPÈRE de réinsertion professionnelle, ce dont je vous remercie.

 

                  Le projet de restaurer la dynamique vitale de sujets en souffrance dans leur désir et leur élan par l’offre d’un travail psychologique dont ils seraient parties prenantes et bénéficiaires directs (leur famille, leur employeur et le corps social restant des bénéficiaires indirects) me parait louable et fondé. A condition toutefois d’en permettre réellement l’efficace selon la singularité éthique et technique qui le conditionne et dans le respect de la non subordination du psychologue au médecin et à sa vision médicale de la psychologie, de sa pratique et de ses effets.

 

                   En effet malheureusement, plusieurs éléments déterminant les modalités de votre intéressante proposition de collaboration m’apparaissent ne pas convenir à l’indépendance de droit, à l’éthique, ainsi qu’aux objectifs, démarches, et références de la pratique professionnelle de psychologue clinicien.

 

                   Si le psychologue clinicien – psychanalyste fondant son travail sur l’incontournable demande personnelle des intéressés a, en tout premier lieu en effet, à faire expliciter et analyser cette demande comme conditions d’un possible suivi, les « objectifs » dudit suivi ne peuvent néanmoins, pour des raisons tant éthiques que techniques tenant à la structure et au fonctionnement du psychisme, que viser, par l’écoute et l’interprétation, un libre mouvement de subjectivation d’ordre privé de cette part intime d’inconscient resté en souffrance dont les effets de soins par remobilisation et évolution  psychique (seulement évaluables subjectivement par le patient lui-même) sont indirects et ne viennent que « de surcroît ».

 

                     Autrement à quoi bon faire appel à des psychologues ?

 

                Quel sens symboliquement « gauchi » pour le patient prendrait alors son travail psychologique avec le psychologue s’il s’inscrivait dans le champ de « conseil » et de subordination du médecin ? Vous n’êtes pas sans savoir pourtant que selon la loi et le code de la santé, les psychologues exercent une profession autonome de sciences humaines qui n’est légalement ni une profession de santé ni une activité d’auxiliaire médical.

 

                      Alors pourquoi tenter d’induire en erreur les patients et les psychologues en signifiant le contraire ?

 

           Veuillez agréer, Madame, mes salutations distinguées.

 

 

                                                                                         Michel Berlin

 

 

(1) Roland Gori - les psychologues dans la toile d'araignée des "nudges" du gouvernement                                   La récente proposition unilatérale inacceptable des pouvoirs publics de porter sous conditions la formation initiales des psychologue à six ans pour rentrer dans l'éligibilité à remboursement  fait partie de ces "nudges" manipulatoires dont parle R. Gori .

    https://www.gnipl.fr/2022/08/11/roland-gori-les-psychologues-dans-la-toile-daraignee-des-nudges-du-gouvernement/

 (2) https://psychologues.org/uncategorized/6eme-annee-de-formation-pour-les-psychologues-la-catastrophe-en-marche/

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