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Dissuasion le nécessaire et stratégique maintien du brouillard de l'incertitude

Dissuasion : le nécessaire et stratégique maintien du brouillard de l'incertitude

 

 

Le monde est désormais structuré entre puissances « dotées » selon un équilibre de « terreurs » censées être dissuasives et puissances non "dotées", vouées à la dépendance ou au risque de subir.

 

Car faire usage de la force nucléaire emporte dans ce cadre la certitude logique qu'à la fin tout le monde est mort. D'où l'équilibre pour rester vivants!

 

Mais dissuasives elles ne le sont aussi que pour qui n'est pas suicidaire et sans discernement trop altéré.

 

Il pourrait l'être, par la folie paranoïde délirante, fût-elle, sinon personnelle, mais du moins collective, totalitaire et jusqu'au-boutiste. Il pourrait l'être  par la psychopathie mafieuse délinquante pour qui tout regard dans les yeux est défi et menace à l'orgueil démesuré d'un Ego infantile infatué de lui-même et mal "castré", justifiant la prédation et la violence (le loup et l'agneau). Ou encore, il pourrait l'être par la dérive narcissique jouissive infatuée de passions imaginaires totalitaires dé culpabilisantes instituées par "propagande" en un "récit" collectif glorieux et tout puissant faisant le ciment orgueilleux et haineux d'une totalité "comme UNE".

 

Celles-ci, collectives, mégalomaniaques ou parano-victimaires, tendent, comme on le voit bien de nos jours, en partageant un même objet d'amour idéalisé intériorisé et un même objet de rejet haineux de l'Autre comme projection diabolisée de tous les maux internes déniés et ainsi évacués,  à pourfendre systématiquement à ce miroir de l'Autre, la menace - fût-elle à cet effet et au besoin qualifiée de "Nazi" ou "d'Occident dégénéré"-  du reflet dénarcissisant de ses propres turpitudes déniées. C'est ce que ne cesse de répéter et montrer au monde le Kremlin sous V. Poutine. 

 

 

Il est indiqué psychologiquement par là qu’il y a, hélas, peu de chance, hors psychothérapie très improbable ou à défaut hors rapport de force contraignant - de le faire renoncer à l’inflation psychopathique de sa dérive totalitaire conquérante pour accepter de sortir de la séduction mégalomaniaque collective et se remettre dans les limites raisonnables de la loi et du droit international.

 

Mais si la dissuasion vaut en effet sur le plan défensif. V. Poutine tente de renverser les choses pour en user sur le plan offensif à titre escompté d'intimidation. Car jusque là, c'est ce qui a bien marché pour lui. Et c'est là que toute réponse énonçant ce que la "cible" que nous sommes ne fera pas, au-delà de son contenu, signifie psychologiquement que l'intimidation fonctionne comme "feu vert".

 

Pourtant, la France, membre du conseil de sécurité, est ainsi le seul pays de l’Union européenne à faire partie des puissances autonomes dotées de la force de dissuasion nucléaire, face à une Russie totalitaire voisine qui menace sa sécurité élémentaire en violant l'ordre du monde et le droit international. Se révéler  expansionniste, possessive et conquérante par le dire, la force et le fait accompli comme elle l'a déjà fait à plusieurs reprises et comme elle ne cesse de l'annoncer est une menace en inflation bien réelle à ne plus tarder de prendre sérieusement en compte et de stopper quand il est encore possible. Car, pour des raisons psychologiques structurelles, dans la course en avant de cette inflation mégalo-collective il me semble qu'elle risque de ne devoir s'arrêter que là où elle sera contrainte de le faire.

 

Le maintien de l'équilibre neutralisant des effets dissuasifs suppose aussi logiquement celui d’une incertitude de l'ampleur et du déclenchement de contre-menaces, rendant la certitude de pertes irréversibles plus importante que l'espoir des gains obtenus par l'attaque. Dans ce domaine d'équilibre par la terreur, avoir des milliers de "têtes" ou "d'ogives" comme en Russie, en Chine, en Inde ou aux USA, ne menace pas plus que nos trois centaines.

 

Car risquer de mourir dix fois ne fait pas plus mal, ni plus peur, qu'une seule fois... 

 

Dans notre République démocratique, le président, élu au suffrage universel, est le chef des armées. Il est, dès lors, symboliquement et de droit la clé de voute et le bouton rouge de cette dissuasion.

 

Structurellement, dans cette logique mondiale de poker menteur, il lui appartient de ne pas reculer dans ce qu’il symbolise comme potentiel dissuasif. Tant du côté de l’intensité des forces à produire que de celui de l’incertitude des lignes rouges "vitales" de leur déclenchement.

 

Il doit maintenir l’incertitude dissuasive sans la réduire, à priori, en possible signal d'inhibition et de "main qui tremble", par des exclusions rassurantes, psychologiquement signifiantes, logiquement inutiles et stratégiquement contre productives.

 

Dans le cadre structurel de ce bras de fer permanent, montrer son besoin de « rassurer » l’ennemi ferait en effet immanquablement signe de peur et de faiblesse à un esprit en dérive totalitaire conquérante, déjà porté imaginairement à se surestimer, renforçant sa dérive et abaissant inutilement d’autant pour lui le poids de l’incertitude et donc in fine l’équilibre de la dissuasion.

 

C’est pourquoi, malgré mon profond désaccord avec l'idéologie et la politique économique néolibérale socialement injuste et déséquilibrée du président Macron, j’approuve son ferme « rien n’est exclu » dissuasif.

 

Il nous faut continuer d’aider encore plus l’Ukraine à ne pas perdre sa guerre de libération contre l’envahisseur pour retrouver ses frontières. Mais je désapprouve et regrette que les dirigeants européens, à la suite et sous l’aile surprenante des USA, redoublant ainsi leurs signes passés de désunion et d’in-fiabilité contra-dissuasive, se défilent manifestement d’un "flou" entretenu, fermement assumé et produit, de leur potentiel de réactions dissuasives  

 

Pourtant, la logique agressive d'allure délirante victimo-paranoïaque du récit national constitutif de l'illusion mégalomaniaque totalitaire (Moi Idéal collectif hyper narcissique tout puissant, infantile et flatteur) (1)  que V. Poutine a mise en place depuis des années, celle qu'il se sent encouragé à énoncer et poursuivre de plus en plus ouvertement, ainsi que les conquêtes expansionnistes sans fin ni limites psychologiques et territoriales qui en découlent structurellement, le jeu stratégique sur la peur escomptée du gourdin nucléaire affiché et sans cesse brandi, celle du manque de limites de son appétit et des dérives de sa raison, les menacent réellement, de fait. Elles le font contre le droit international, le respect des frontières et de la souveraineté des Etats indépendants impunément violés.

 

C’est donc bien contre leur et notre sécurité, ainsi que contre l’ordre et l’équilibre civilisé du monde et de la raison.

 

Il ne faudrait sans doute pas que le plaisir narcissique totalitaire mégalomaniaque du « jeu » de pouvoir imaginaire de cette menace russe, trouve, en l'absence maintenue de fermes limites énoncées et perçues, sa validation et son renforcement. Cela se ferait alors, dans ces conditions d’escalade et de brandissement voyou incessant de menaces nucléaires pour tenter d’intimider et de diviser les populations, à titre imaginé de nouveau « feu vert ». Ce feu vert apparaitrait ainsi signifié par les molles réassurances frileuses et gratuites à la Munichoise (2) que ces tentatives auraient fait apparaître en retour comme autant d’éléments de peur, de lâcheté, de divisions et d’affaiblissement, des démocraties occidentales voisines à conquérir ou éliminer…  

 

Tout cela pour tenter de rétablir et maintenir inentamé le sentiment orgueilleux de puissance. Celui d'un leader dictatorial et à travers lui de tout un peuple. Ce peuple, en souffrance narcissique semble ainsi chercher à compenser régressivement et collectivement de façon symptomatique mégalo et immature avec son leader en position de Moi Idéal (1) collectif, la blessure narcissique douloureuse déniée et projetée sur l'Autre (rejeté en soi) d'un sentiment de faiblesse, peut-être originé ou probablement renforcé en une "chute" subie de l'URSS ayant pris dans l'après-coup le sens d'une "perte" historique mythifiée de "grandeur à retrouver comme se plait à dire le "récit national" de propagande.

 

Cette perte à élaborer pour avancer n'est, sans doute au fond, que la douloureuse traversée banale et nécessaire au niveau collectif des épreuves (castrations à symboliser) que tout un chacun rencontre et "doit" traverser dans l'évolution intérieure de son parcours individuel humanisant de vie. "Là où c'était, je dois advenir" nous avait dit Freud. "Faire de sa castration sujet" ajouta Lacan ! "Ce qu'on ne peut atteindre en volant, il nous faut l'atteindre en boîtant" nous avait aussi dit Freud dans son "Au-delà du principe de plaisir" pour nous éclairer sur notre condition d'humains et l'intégration de limites nécessaires à constituer le propre, certes fragile mais dynamique, opératif et créatif, de notre humanité même.  Cela vaut tout aussi bien sur le plan individuel du sujet que sur le plan collectif d'un "nationalisme" non tout puissant, dès lors ni fanatisé-instrumentalisé ni délirant.

 

Car certes, advenir comme sujet au plan individuel c'est mettre en jeu sa division intérieure et ne pas rejeter l'Autre en chacun de nous d'une certaine sensibilité et fragilité intérieure - celle inconsciente qui nous divise mais nous dynamise et nous enrichit aussi sans pour autant nous affaiblir - en renonçant à  l'illusion d'un Moi hypertrophié qui serait et resterait, de façon totalitaire, seul maître en son logis.

 

Et peut-être aussi qu'advenir en parallèle comme citoyen d'une démocratie, la nôtre, c'est aussi accepter le jeu dynamique enrichissant de désaccords et de divisions en renonçant aux délices imaginaires illusoirement réconfortants mais stérilisants d'un collectif unifié en une totalité narcissique toute puissante idéale. Collectif totalisant ainsi voué à la sclérose de la pensée UNIQUE qui, dictatorialement hypnotisée (1) et endoctriné dans la peur illusoire fabriquée d'une soi-disant menace encerclante et persécutrice des "autres", à cet effet faussement diabolisés, marcherait ainsi orgueilleusement infatués, à coup de "folle" propagande déréalisante soigneusement maintenue, du seul pas de son dictateur !

 

On comprend pourquoi V. Poutine en "veut" aux démocraties qu'il vit et dénonce, pour soutenir et renforcer sa logique totalitaire rationnelle mais folle, comme "menaces" d'affaiblissement et cause de tous les maux.

 

Car, dans cette logique collective totalitaire "folle", d'ordre mégalomaniaque certaine, c'est le risque de perte - à valeur signifiante de "castration" à rejeter - de la position dictatoriale et des effets narcissiques réconfortants de toute puissance idéale de sa fonction pour tout un peuple qui sont menaces à éradiquer. Celui-ci reste néanmoins, me semble-t-il, aussi bien devant l'Histoire que devant le droit, à la fois complice participant et victime plus ou moins dé-subjectivée autrement (Sujet et ordre symbolique sont en interaction), voire hypnotisé de façon paranoïde mais non pour autant déresponsabilisée, 

 

                                                                                            Michel Berlin : février 2024

 

(1L'illusion totalitaire : une passion mégalomaniaque d'obéir - Michel Berlin -            

(2) https://www.defnat.com/e-RDN/vue-tribune.php?ctribune=1692

 

 

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