"Oubli" de la dimension psychologique … et des psychologues dans l’éducation à la vie sexuelle, relationnelle et affective ?
Résumé : Pourquoi, en établissement scolaire, questionner la dimension psychoaffective qu'a essentiellement la "vie sexuelle, relationnelle et affective" dans une relation d'écoute clinique et d'aide psychologique pour les enfants et les adolescents ne serait-il pas pensé du ressort logique, naturel et légitime des psychologues et de leur champ d'expertise, de qualification et de compétence au lieu de la (seule ?) sous-traitance paramédicale prévue par des infirmières scolaires ? Est-ce encore parce qu'ils seraient au fond toujours imaginairement "pris" pour des "autres enseignants", spécialisés non pas en psychologie mais, comme le dit le message subliminal de l'intitulé de leur diplôme de spécialité "maison", en "éducation, développement et apprentissage" ou "éducation, apprentissage et conseil en orientation" ? Effet patent du symbolique sur le réel ... dont je ne cesse de parler. Il vient renforcer le vieux clivage symptomatique institutionnalisé affectif-cognitif et la guerre d’emprise territorialisée historique médical-éducatif. Là, en l'occurrence, c'est la grande dérive de nos jours, effet certain de distorsion du réel par élément choisi de langage, genre illusion groupale totalisante et stratégie manipulatoire de désinformation ...
Actuellement, en décembre 2024, on nous rabat les oreilles dans les médias sur un débat politisé et passionné en cours concernant un projet d’"éducation à la vie sexuelle, relationnelle et affective à l’école".
On sait depuis Freud, par ailleurs à l'époque déjà accusé de pansexualisme par réaction de défense, l’enracinement complexe conflictualisé et divisant à la sexualité, au corps et aux pulsions, du désir inconscient qui anime, structure et sous-tend subjectivement le fond à symboliser de la vie mentale de l’humain, de ses pensées, de ses actions et de ses relations psychoaffectives tant aux choses qu'aux autres humains. Et on sait de plus, que cet enracinement, tel que l’observe quotidiennement et le théorise toujours la psychanalyse, suscite angoisse et résistance. C’est parce qu’il mobilise transférentiellement nos conflits intérieurs, nos inhibitions, nos refoulements et nos symptômes dans nos relations amoureuses, sexuelles et sociales, mais aussi (« vade retro satanas », dans quels détails irait se nicher le diable à croire ces « fous » de psychologues !) celles de travail, d’éducation et d’apprentissage qui n'en sont dès lors pas "aseptisées".
C’est pourtant comme ça ! Qu’on le veuille ou non.
Et la banalisation des concepts de la théorie psychanalytique qui ont amené chacun à son insu à être plus ou moins en ce domaine un M. Jourdain faisant de la prose freudienne ou lacanienne sans le savoir, ne peut rien y changer. C’est une question de structure et de structuration mentale de l’Homme.
Donc j’entendais jusque-là quelque peu distraitement le fond de musique des débats, jusqu’à ce que je me penche un peu sur la question de ce qu’on peut transmettre de civilisé et de civilisant à nos enfants, au plus juste de ce qu’on est, vit et pense. Pas celle en débats politiquement controversés, voire instrumentalisés, du « wokisme » ou du « genre », mais simplement déjà celle de son enseignement et de sa transmission au plus près et au plus juste du vécu et de la place de sa dimension humaine et donc psychologique.
Selon qui est missionné pour parler de « vie sexuelle, affective et relationnelle » dans les établissements scolaires donne déjà un aperçu sur la manière de placer et de concevoir la dimension épistémologique de cette « vie sexuelle, affective et relationnelle » et du coup aussi, renseigne sur le psychisme, les conceptions et le rapport sexué à l’Autre de ceux qui le pensent, le prévoient et le "managent" ainsi.
Et qu’indique cette analyse ?
Que très probablement cette dimension ne sera pas prise en compte pour ce qu’elle est vraiment, humainement relationnelle et psychologique, ce qui serait alors du ressort bien sûr de tout humain dont notamment des psychologues dont c’est pourtant le champ spécialisé de compétences et d’exercice, et particulièrement alors ceux du milieu scolaire concerné du corps des psychologues de l’éducation nationale, mais elle risque de l’être pour sa vision « aseptisante » sanitaire, somatique, mécano-physiologique et (para)médicale, puisqu’il est prévu de mettre une blouse blanche aux questions de sexes et de relations psychoaffectives en refilant le bébé ainsi médicalisé et du coup monopolisé de cette « formation » aux …. infirmières … scolaires.
Aux infirmières scolaires ? A elles seules ?
Voudrait-on vraiment par là – et dans ce cas resterait à dire selon quelle logique - confier aux infirmières des fonctions cliniques d’écoute et d’aide psychologique ressortissant directement au champ de compétence et d'expertise des psychologues, qui est bel et bien l'exercice légitimé de la psychologie sous un titre protégé, pourtant tout aussi présents dans les établissements scolaires, à qui elles seraient alors, par là-même, retirées pour être paramédicalisées ? Concevrait-on alors, qu’en contrepartie et pour soulager les infirmières de ce surcroît de travail hors de leur champ et spécialité directe, dans cette curieuse logique de chaises musicales et de gagne-terrain où l'on déshabille Pierre pour déguiser Paul, déplacer certaines fonctions de soins infirmiers vers les psychologues ?
Et c’est là qu’on retombe, hélas encore (perseverare diabolicum), sur l’invisibilité voire sur l’impensé psychologique institutionnel du psychologique et des psychologues directement et spécifiquement chargés de prendre seulement en compte, mais de le faire selon un savoir-être et une démarche vraiment psychologiques, toute cette complexe dimension psychologique, pour la mettre au travail d’évolution voire de construction ou de reconstruction. Car il s'agirait de le faire partout où se vivent et se nouent et se dénouent des relations humaines. Y compris dans cette institution d’Education Nationale où une perception "collective" obsessionnelle biaisée du psychisme tendrait à le réduire à l'intelligence cognitive comme seul « Moi » conscient qui pense et apprend, pour refouler alors, selon une logique "purifiante" en dérive symptomatique imaginaire, au domaine médical et pathologique de la santé, celui plus "impliquant", "sensible" et salissant des humeurs, du corps et de ses tripes, la partie affective, sexuelle et relationnelle ainsi que l'inconscient, sa dynamique et sa mobilisation dans le « cambouis » éclaboussant de la mise au travail d’évolution du psychisme.
Et pourtant l'une, chez tout un chacun pas nécessairement malade ni hospitalisable, n'est-elle pas le moteur dynamisant de l'autre dont elle n’est pas infirmée à l'école. Surtout quand il s’agit de vivre, parler et penser au plus près de sa vérité intérieure, c’est-à-dire profondément et « avec ses tripes », en une intrication dynamique cognitif-affectif. Cette dynamique, précisément psychologique, est subtile, étroite, permanente et pas nécessairement clivée selon les traditionnelles volontés concurrentielles d’emprise monopolisante des champs enseignants et médicaux déjà historiquement bien établis ? Ces derniers, centrés sur eux-mêmes, tendent à l’imaginer et la vouloir à leur image. Qui plus est soumise et annexée au territoire sur lequel ils entendent encore trop parfois, tels des enfants-rois immatures, régner sans partage : paramédicale là et psychopédagogique ici ou l’inverse.
Décidément quel stupide et triste gâchis (1), ne trouvez-vous pas ?
Michel BERLIN
déc. 2024
(1) Témoignage d'un triste gâchis - Michel Berlin - novembre 2004 - https://pepsychoblog.jimdofree.com/ecrits-psychologiques/un-triste-gâchis/
Écrire commentaire